vendredi 14 octobre 2011

Le Crash des Titans - Episode 8 (vendredi 14 octobre 2011).

Episode précédent : Sur le Titanic, ça commençait à sentir le roussi. Le « Magic Cabaret », animé par Magic Bernanke avec ses vraies-fausses apparitions de billets de banque commençaient à lasser le public. Certains gros bonnets de première classe qui avaient compris que quelque chose n'allait pas étaient sortis sur le pont pour négocier des canots de sauvetages avec les cuisiniers chinois. La rumeur courait qu'un terroriste grec nommé Papandreou était sur le navire, rumeur peu crédible, puisque le dénommé Papandréou (qui existait vraiment) était un quartier-maître du Hindenburg, atteint par la peste bubonique et dans un état comateux. Sur le Hindenburg, les passagers prenaient peu à peu conscience de la situation, mais l'équipage s'était retranché dans ses quartiers et s'en était tenu à quelques mesures modestes de délestage. Seul le commodore Trichet enseignait à son successeur Mario Draghi «le carabinieri» une solution finale qui consisterait à envoyer directement de l'hélium du ballon dans les moteurs....


Sur le Hindenburg, la musique s'était arrêtée. Les passagers étaient pris d'angoisse. On leur avait d'abord dit que tout allait bien. Que la vitesse était de trente nœuds et l'altitude de trois mille pieds. Mais ils trouvaient cela curieux, car ils pouvaient distinguer les poissons volants à la surface de la mer. D'autre part, on était toujours à la même distance du Titanic, or celui-ci faisait du sur place. Non … tout cela était bizarre... en réalité beaucoup soupçonnaient que les instruments de mesure ne devaient pas être très fiables.

Et puis il y avait autre chose. On s'était aperçu que la peste bubonique qui avait atteint le quartier-maître Papandreou était en réalité une autre maladie. Des médecins avaient un autre diagnostic que celui de l'équipage. Pour eux, ce n'était pas la peste, mais un virus connu depuis la nuit des temps : le « debita cancera systemicus » ou plus simplement « debita systemicus ». Le debita cancera systemicus était connu depuis l'antiquité. Il y a avait deux méthodes pour s'en débarrasser. La première consistait à suivre un régime draconien pendant dix ans. L'amaigrissement radical qui s'en suivait avait un effet thérapeutique tout aussi radical. Mais c'était trop long et trop pénible et pouvait tout de même entraîner la mort. L'autre méthode consistait à consommer régulièrement des denrées infectées par le debita systemicus. Un vaccin permanent en quelque sorte. Cela permettait de supprimer les symptômes de la maladie, mais pas vraiment de l'éradiquer. Et puis, il y a avait un gros problème : pour que le traitement soit efficace, il fallait indéfiniment augmenter les doses. Bref, il était toujours très difficile de se sortir d'une debita systemica aiguë.

Il y avait plusieurs formes au debita systemicus, le debita systemicus privatum et le debita systemicus publicum. Ces deux formes pouvaient se reproduire entre elles, ce qui les rendaient encore plus virulentes. Mais un autre problème était que le virus ne s'attaquait pas seulement aux personnes, mais aussi aux objets. Une fois que les êtres vivants étaient infectés, il s'attaquait aux matériaux durs pour se développer, notamment le fer. Le symptôme était alors identique à la rouille.

On était en train de s'apercevoir qu'à bord du Hindenburg, la rouille avait atteint l'armature même de la cabine, voire de l'ensemble du dirigeable. Et ce n'était pas de la rouille, mais bel et bien le debita systemicus. On avait l'habitude de dire : « Bof … c'est normal que ça rouille c'est du fer ». Mais au fur et à mesure, le debita systemicus avait fait un grand trou au milieu de la cabine. Cela s'était fait progressivement, de sorte que l'équipage n'y faisait plus attention. On avait fait installer des cordons pour que les gens ne tombent pas, et on avait dit aux passagers que c'était un balcon intérieur pour prendre l'air. Mais les passagers avait toujours trouvé bizarre qu'on fût en permanence en train d'agrandir un balcon intérieur.

Un jour, L'équipage s'était inquiété de savoir si cela pouvait atteindre la structure même de la cabine et mettre en danger les passagers. Alors, après une série de « stress tests » consistant à tapoter sur les parties métalliques avec des petits marteaux et un stéthoscope de fortune, on avait fini par mettre en place un « mécanisme de stabilité auto-porteur par fond inverse à liquidité spéciale. ». Les passagers n'y comprenaient rien mais ça avait l'air très rassurant. Mais un jour, un enfant s'était approché du bord et avait dit « Oh ! Regarde, papa, il y un grand trou au milieu de la cabine !!... ». « - Tais-toi, ne dis pas de bêtise mon garçon !... Ce n'est pas un trou, c'est un balcon ». avait répondu son père.

Sur le Titanic, un vent de panique avait soufflé, causé par la rumeur d'un prétendu terroriste grec dans le comma, mais le soufflé était vite retombé car personne n'y avait vraiment cru. Le Titanic était un vaisseau immense et étonnant où se côtoyaient des gens de tous horizons et de tous milieux. A l'étage supérieur il y avait les passagers de première classe, qui allaient au « Magic cabaret », et à fond de cale les passagers de douzième classe, qui étaient enfermés dans leurs quartiers, au cas où il y aurait des histoires.

Il y avait en première classe un casino géant. Le gens y gagnaient et y perdaient de grosses sommes. A ceux qui avaient perdu, on proposait un crédit à 0% pour se refaire. S'ils perdaient à nouveau, on leur donnait de nouveaux jetons, qui étaient censés avoir la même valeur que de l'argent. Cela s'appelait le «Quantitative easing». Du coup, le casino était très fréquenté, puisqu'on était toujours sûr de gagner, ou du moins de ne jamais vraiment perdre. Et quand il n'y avait plus de jetons, on en fabriquait avec du papier toilette, papier toilette qui pouvait aussi être utilisé pour la confection du «Magic Sandwich» des chefs Goldman et Sachs.

En d'autres endroits l'atmosphère était à la ferveur. Des petits groupes chantaient des cantiques, notamment le très célèbre «Je crois en Toi mon Dieu, je crois en Toi». Et puis il y avait aussi les cuisiniers chinois qui se fabriquaient des canots de sauvetage. Les passagers de première faisaient de bonnes affaires avec eux, puisqu'il leur donnaient des millions sous forme de jetons de casino en échange de leurs canot.
- « Ils sont épatants ces cuisiniers, disait l'un d'eux. Ils sont très travailleurs. Je trouve qu'on a tort de s'inquiéter de la situation, car je suis convaincu qu'ils vont nous sauver
 - Ah ?! Mais comment donc ?
- Mais cher ami, c'est très simple. Si le bateau coule, nous leur demanderons de fixer leur canots de sauvetage autour du bateau. Ils nous serviront de flotteurs et ainsi nous ne coulerons pas. Et puis si cela ne suffit pas, nous leur demanderons de ramer pour faire avancer le navire. Ils sont nombreux et forts comme des turcs. Ils mangent du riz, eux, pas du magic sandwich infesté au debita systemicus ! Ah, ah, ah !
- Oui, et puis ils ne peuvent pas nous laisser tomber, ils ont besoin de nous et de nos jetons de casino...
- Oui c'est certain. »
Et pourtant quelque chose n'allait pas. D'abord, contrairement à cette idée pourtant répandue, les cuisiniers chinois mangaient aussi du magic sandwich. Certes la recette était différente, puisque l'andouillette A+ était remplacée par de la cervelle de singe fermentée. Cela s'appelait d'ailleurs le «magic dim-sung» Mais la recette de base était identique et tout aussi toxique. Et puis les magics dim-sungs étaient aussi souvent infectés que les magic sandwiches par le virus du debita systemicus....

Tout à coup, on entendit des cris venant des étages du dessous, où logeaient les passagers de douzième classe. Ces derniers avaient forcé les grilles, étaient montés à l'étage supérieur et s'étaient rués dans le grand salon. «Occupons le grand salon !!» disaient-il. «A mort le Magic cabaret ! A mort Magic Bernanke !» criaient-ils. «A bas les milliardaires ! Aux chiottes l'Amiral Obama !» hurlaient-ils. Les choses allaient-elles encore se gâter ?...

Vous le saurez en lisant le prochain épisode du «Crash des Titans».